Purusha et Chaïtya Purusha en bref et dans nos vies
Purusha est un mot sanskrit qui dans notre vie ordinaire correspond à la personne consciente. Il se trouve à l’arrière-plan de notre mental, de nos sentiments et de nos émotions. Il a divers niveaux et aspects selon le développement opérer dans un être mais en général il est le témoin. Tout se reflète dans le Purusha. Il est cette personne qui (se) regarde faire, dire, (s’)émouvoir, souffrir, désirer, se satisfaire.
Pour ceux qui pratiquent la méditation de la pleine conscience, il est cette personne tranquille et observatrice développée avec l’habitude de méditer et qui permet aussi d’atteindre et d’installer la paix et une maîtrise de sa vie . C’est la ‘vue profonde’ ou l’’inspection’ dans la tradition des méditations bouddhique (Vipassana) . En règle générale c’est l’observateur, celui qui, s’il est renforcé nous permet de nous ‘gérer’ avec sérénité.
Chaïtya Purusha est la forme de cet être conscient décrit mais en relation avec l’âme, avec notre parcelle Divine, il est l’être vrai et central, à l’arrière-plan aussi, pas plus grand que le pouce, disent les Upanishads (Vedanta), situé au milieu de la poitrine. Lorsque l’on se concentre à cet endroit en méditation, par exemple en s’aidant d’une image, une lumière, une bougie ou d’autres choses positives, on peut développer en nous l’être essentiel et le faire venir à l’avant-plan pour qu’il guide notre vie, à condition de persévérance…de beaucoup de persévérance. À un moment donné ou à un autre peut-être même déjà au début d’une pratique de concentration paisible on sentira cette petite pression au milieu de la poitrine, elle s’accompagnera plus tard, et d’abord de façon non permanente, d’une confiance, ou d’un bien-être, de joie d’être, d’une capacité de contemplation; ceci si une pratique spirituelle est développée. C’est à dire si une intensité intérieure se développe dans cette direction.
En tout le monde se trouve Chaïtya Purusha, mais exprimé diversement et d’intensités variables d’un individu à l’autre. En règle générale il nous influence tout au long de notre vie normale - si tant est qu’existe une vie ‘normale’. Mentalement d’abord, en infusant une nécessité d’honnêteté dans nos jugements, notre pensée, émotionnellement et sentimentalement, en tentant par exemple de leur insuffler une grandeur d’âme, ou en faisant croître l’affection, l’amour et, pour finir, physiquement, dans ce besoin de prendre soin de notre corps.
Il s’exprimera comme le ‘coeur’ profond, plein de gratitude du religieux chrétien ou musulman. Pour un agnostique, un athée, un bouddhiste, il sera l’altruisme, la compassion, l’être tourné vers les belles choses et l’harmonie (ce qui ne veut évidemment pas dire que les religieux n’ont pas ces qualités, et que les autres n’ont pas de gratitude, je parle juste d’inclinations et de généralités, que l’on pourra taxer de clichés j’en conviens mais c’est par souci de clarté). Sous sa forme candide et pure il est, chez les enfants en bas âge, cette joie spontanée dont on se demande d’où elle sort lorsqu’elle s’exprime dans un cri sans que rien autour du petit être nous semble l’avoir provoquée. Plus tard, l’enfant, cruel par ignorance, ou coléreux parfois, n’en aura pas moins instinctivement des réactions saines que beaucoup d’adultes ont perdues : ils ne seront pas dupes des comportements mensongers, sensibles à la souffrance de l’autre, naturellement joyeux. Je ne veux pas dire que les adultes auront définitivement perdus ces qualités mais la plupart du temps leur être central et vrai sera recouvert de concepts et idées mentales reçues dans leur éducation scolaire et sociale, ou auront vécus des événement douloureux ou parfois même auront été malmenés, voir maltraités, ce qui brouillera pas mal les pistes et voilera l’être vrai. Et, pour l’avoir personnellement vécu, je peux dire que la puberté et l’adolescence sont souvent ses pires moment de perdition. Plus tard, la plupart d’entre nous commence à construire cet être central vrai, l’être psychique selon Sri Aurobindo - terme que je n’aime pas beaucoup utiliser, car le mot psychique défini aujourd’hui des éléments liés à la psychologie qui n’ont rien à voir - à l’aide, ou non, d’une pratique religieuse, spirituelle, thérapeutique, etc. Lorsqu’il ‘fonctionne’ tout à fait consciemment il accélère le processus d’épanouissement intérieure, et, par extension, extérieure de la personne.
Novembre 2019
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Manifeste
Pensée
Nous devrions partir de l'unité. Nous ne devrions rien penser séparément de rien.
L'unité devrait être le point de départ et il devrait être ce vers quoi nous tendons.
L'unité c'est ce que nous cherchons, dans tout ce que nous faisons, dans tout ce vers quoi nous tendons, tout ce que nous désirons, le désir est désir d'unité, toujours.
Nous n'avons encore jamais essayé ça : tout faire en état d'unité pour retrouver l'unité. Mais pour y arriver nous devons partir d'un point. Le point de la tranquillité mentale. On met une vie à la trouver.
L'unité nous conduit à l'essentiel.
Novembre 2016
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La Joie et la Beauté sont origine et fin de notre présence au monde. L'art est l'une de leurs images. Si c'est d'elles que l'artiste a choisi de s'occuper dans son travail, aujourd'hui il ne suffit plus qu'il en témoigne, il faut qu'il les transpire par tous les pores de son être s'il veut les servir utilement un jour. Tout reste à faire.
mai 2016
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À la recherche du sublime
L'exploration de la thématique du sublime dans mon travail commence en 2008 avec deux sculptures en hommage aux romantiques du XVIIIème siècle et un intérêt particulier pour les écrits d'Edmund Burke et d'Emmanuel Kant. J'ai ensuite considéré que le sublime d'exaltation, mélange de savoir-faire oratoire, d'inspiration élevée et de grandeur d'âme décrit par Longin dans son traité sur la question datant du premier siècle après J.-C., est, même si plus ancien, paradoxalement plus proche de nous car plus incarné, plus positif et spirituellement plus susceptible de nourrir ceux qui dans notre temps contemporain, lequel sonne tellement creux, sont désabusés et dont le besoin de sens ne peut se suffire de l'éthique ou de la religion. En art il est la thématique qui répond et offre l'ouverture vers une transcendance.
En réalité le sublime ne pourrait être imaginé et senti s'il n'était est une possibilité en devenir, une promesse de manifestation réelle et latente encore lovée quelque part dans le subconscient de notre être et de notre vie. Le vertige et le délice éprouvés par les romantiques et aussi par certains de nos contemporains quand survient l'une des expériences temporaires du sublime sont ceux de leur propre infinitude pressentie et celle du divin intérieur, de leur être profond car ces effets ne sont non pas simplement psychologiques, mais spirituels et vrais. Cette grandeur et cette infinitude que renvoie, par exemple, l'image d'une haute montagne vue sous un angle rapproché, ou encore la contemplation d'un ciel étoilé, existent non seulement dans la nature ou le cosmos mais aussi en nous-mêmes ; elles sont notre vraie liberté éternelle encore voilée. Nous pouvons d'ailleurs troquer l'image de la montagne contre celle de l'iceberg dont la partie émergée est tout à fait insignifiante en comparaison du corps immergé, démesuré et insoupçonnable depuis la surface de l'eau et que l'on ne voit qu'en plongeant au-dessous. C'est l'ancien Védanta qu'il nous faut lier à cet endroit pour poursuivre la recherche afin de comprendre ce début de découverte, car le sublime est notre âme profonde et notre potentiel merveilleux, immense et caché de nous-mêmes, il est notre paradis perdu et il sera notre paradis retro uvé.
Ici, dans une démarche hors du champs intellectuel, l'attitude recherchée est l'offrande silencieuse et l'ouverture maximale pour laisser libre cours à 'ce qui arrive', et ce, tant dans le quotidien d'une vie que l'on voudrait intégralement spirituelle que dans celui du travail artistique, afin de tracer un chemin vers des régions subliminales que le dessin semi-automatique de formes simples qui se répètent et se transforment à l'infini essaye de capturer et d'en refléter les images.
Octobre 2013
Bibliographie
Ashfield, Andrew and de Bolla, Peter,(1996), The Sublime : a Reader in British Eighteenth-century Aesthetic Theory, Cambridge : Cambridge University Press
Burke, Edmund M. (1990), A Philosophical Enquiry into the Origin of our Ideas of the Sublime and the Beautiful, Oxford : Oxford University Press
Crowther, Paul (1989), The Kantian sublime, from Morality to Art, Oxford : Clarendon Press, coll. Oxford Philosophical Monographs
Kant, Emmanuel (1995), Critique de la faculté de juger, traduit de l'allemand par Alain Renaut, Paris : GP Flammarion
Kapoor, Anish (2011), Je n'ai rien à dire, traduit de l'anglais par www. traducteo.com Paris, La Réunion des Musées Nationaux, Le Grand Palais
Longin (1793), Traité du sublime ou du merveilleux dans le discours, traduit du grec par Nicolas Boileau Despréaux, Oeuvres de M. Boileau Despréaux, volume 3, Paris, Les libraires associés
Lyotard, Jean-François (1985), Le sublime à présent, Poésie no 34, pp 97-116
Lyotard, Jean-François (1991), Leçons sur l'analytique du sublime, Paris : Galilée, coll. La philosophie en effet
Macey, David (2000), The Penguin Dictionary of Critical Theory, London : Penguin Books
Morley, Simon (2010), The Sublime, London : White Chapelle Gallery, Cambridge, Massachusetts : MIT Press, coll. Documents of Contemporary Art,
Nancy, Jean-Luc et al. (1988), L'offrande sublime, in Du sublime, Paris : Belin
Newman, Barnett (2011), The Sublime is Now, in Écrits, traduit de l'américan par Jean-Louis Houdebine, Paris : Macula
Nye, D.E (1994), American Technological Sublime, Cambridge, Massachusetts, MIT Press
Saint Girons, Baldine (2005), Le Sublime de l’Antiquité à nos jours, Paris, : Desjonquères
Shaw, Philip (2006), The Sublime, London, New York : Routledge
Sri Aurobindo (1996), La Poésie Future, Paris : Buchet Chastel
--- (2005), La Vie Divine, traduit de l'anglais par la Mère et Cristof Alward-Pitoëff Pondichéry : Sri Aurobindo Ashram Trust
Žižek, Slavoj (1989), The Sublime Object of Ideology, London, New York : Verso
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Le Sublime : passé, présent, futur
Ce cher Barnett Newman, dans un article sur la sculpture précolombienne, nous rappelle : ‘Qu’y a-t-il dans cette sculpture de si important pour la conscience moderne ? Nous avons fini par comprendre que ces sculpteurs s’intéressaient au mystère primordial de l’existence et non aux menus faits qui les entouraient fugitivement.’[2] C’est l’interrogation si naturelle vers un sublime qui ne porte pas encore son nom ; pour cela il faudra attendre l’Antiquité quand le rhétoricien Longin, dans son essai « Peri Hupsos » ou « du Sublime ». définira celui-ci comme étant le discours indéterminé, sans forme et sans règle d’un orateur divinement inspiré, discours dont l’art est intransmissible et dont la grandeur est capable de transporter un auditoire jusqu’à l’extase grâce à un ‘je ne sais quoi’[3] dira Boileau son traducteur.
Jusque-là et pour quelques siècles encore, la relation de l’homme avec Dieu et l’irrationnel revêt le caractère d’une liaison directe si une bonne condition, c’est-à-dire si une exaltation intérieure permet la précipitation du sublime dans le récipient humain. C’est là, me semble-t-il, une expérience du sublime très vivante. Le sublime de Longin est intéressant à ce titre mais pas seulement, car la beauté comme forme faisait pour lui partie intégrante du phénomène ; ce que nous perdrons complètement avec les études de Burke sur le sujet , et surtout de Kant, fils des Lumières, qui utilise sa raison très aiguisée pour non seulement séparer le beau du sublime mais aussi donner à ce dernier une définition qui aurait de la peine à convaincre un mental plus intuitif que le sien. Et pour cause : difficile de discourir sur l’irrationnel avec l’outil rationnel – et donc limité – qu’est la raison. Kant a défini le sublime comme étant le plaisir et la peine ressentis quasi simultanément par l’imagination violentée par un effort mental qui la pousse à se représenter un illimité qu’elle ne peut saisir dans sa totalité. Une peine est immédiatement suivie ‘d’une puissante satisfaction succédant à la prise de conscience qu’un phénomène sans forme peut être circonscrit comme totalité en terme d’idée rationnelle’[4]. Dans le fond sa définition du sublime est à l’image de l’intellect (élu meilleur instrument de connaissance par l’homme occidental) : celui-ci est limité par l’incapacité de l’imagination et de la raison à accéder à l’expérience d’un sublime extatique mais cependant content et satisfait de n’en pouvoir s’en représenter mentalement qu’un pâle reflet.
Maintenant : comment peut-on espérer avoir une chance de comprendre notre relation au sublime – compréhension accessible uniquement à la faveur d’un libre-accès dans les champs invisibles et irrationnels du monde et de la transcendance – si nous restons sur les rivages secs de la raison raisonnante ? Laissons les philosophes et envolons-nous avec les artistes romantiques et les idéalistes germaniques. Les plus connus, Wordsworth, Schiller, Turner et Friedrich, viendront contrecarrer en image la troublante conclusion de Kant quant à la possibilité du mental de sentir mais de ne pouvoir capter le transcendant. Ces créateurs feront s’incarner une vision de la Présence transcendantale à travers les montagnes, les mers et autres éléments du monde phénoménal comme l’espace.
Bien plus tard, en 1948, Barnett Newman de façon toute intuitive nous réinvente le sublime : un jour de travail solitaire dans son atelier il peint instinctivement ‘Onement I’ qu’il interrogera plusieurs mois avant d’en comprendre le sens et la signification. Il définira ensuite cette oeuvre marquante comme le moment présent saisi dans une totalité de l’instant et du lieu. L’espace et le temps unis à l’instant précis de l’acte de peindre et dans un sentiment de totalité ; il donne au spectateur ouvert à sa peinture le sentiment de sa propre présence, de la conscience de sa propre individualité, sa propre unité dont les ‘zips’ célèbres se font l’écho.
Cette présence Anish Kapoor la rend plus impersonnelle. Ses œuvres franchissent un pas (au moins) de plus en direction de notre dimension sublime intérieure ; à la contemplation de certaines de ses œuvres, ‘When I am pregnant ‘ et ‘Sister’, par exemple, nous entrons dans un espace sans plus aucun repaire de distance, de lieu, de forme, et nous baignons littéralement dans une dimension sans ‘je’, une dimension quelque peu déconcertante et vertigineuse à la fois. Prenons comme autre exemple ses miroirs qui renversent étrangement les paramètres inconscients de notre présence physique au monde. Plus que dans nul autre travail d’artiste, ou certainement peu d’autres, la conscience d’un sublime apparenté à une dimension spirituelle – osons le mot - est en quelque sorte physiquement pressentie.
Et ensuite ? De mon point de vue, cette thématique du sublime ne devrait pas être pensée comme telle. En effet, comme Jean-Luc Nancy le suggère,
'Dans le sublime, l’art lui-même est dérangé, offert à un autre destin encore, il a son propre destin en quelque sorte hors de lui. Le sublime a partie liée, d’un lien essentiel, avec la fin de l’art en tous les sens de l’expression : ce pour quoi l’art est là, sa destination, et la cessation, le dépassement ou le suspens de l’art.'l n’y a pas de pensée contemporaine de l’art et de sa fin qui ne soit, d’une manière ou d’une autre, tributaire de la pensée du sublime, qu’elle s’y réfère expressément ou non.[5]
Le sublime, l’art et l’homme, en réalité ne devrait faire qu’un. Ceci parce que le sublime qui est le fait de l’homme et non de l’objet, nous le savons depuis Burke et Kant n’est pas la présentation de quelque informe au-delà, mais, comme le souligne Lyotard, ‘la présentation du fait que l’imprésentable existe’.
Si donc le sublime est un fait de l’être humain et que l’imprésentable existe, la prochaine étape n’est-elle pas de partir à la recherche de ce sublime intérieur en mettant en œuvre les moyens de sa dé-couverte progressive et de son émergence à travers l’acte d’un créateur pourvu d’un nouvel état d’être. Le sublime serait donc tout à la fois l’art et sa destinée ainsi que l’essence de l’homme promu à la transcendance pour rejoindre son origine divine.
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Aphorismes
Ne portons plus aux nues Gandhi et John Lennon, échangeons-les contre Sri Aurobindo et George Harrison.
Août 2011
On dit souvent que l’art c’est la vie, mais je prétends que nous ne vivons pas encore ; par conséquent l’art sonne encore comme une musique d’avenir.
Octobre 2011
A moyen terme l’art du présent qui fait feu de toute matière, de toutes formes et de toutes postures, qui s’immisce dans tous les domaines de la vie et que tous les domaines de la vie pénètrent, sera avalé et confondu, moulu et remoulu dans la réalité physique plate, tout comme la vague s’écrasant sur le rivage mêlant sa substance-eau avec le sable, s’étale silencieusement pour enfin s’évanouir. Il aura atteint le zéro nécessaire pour une possible renaissance ; alors il rassemblera ses forces en se retirant, tout comme la vague se reforme en prenant de la hauteur afin de redéfinir son contour vertical originel.
Novembre 2011